Demande d’asile pour les Afghans : prise de position de CASAS

Nous relayons ici la prise de position de CASAS, Collectif pour l’accueil des solliciteurs d’asile de Strasbourg.

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L’évacuation d’Afghans avant le 31 août 2021 a été largement médiatisée, ainsi que l’angoisse de tous ceux qui n’ont pas pu partir dans ces délais très courts et cette situation très mal anticipée.

Au-delà de la communication et de l’émotion, quels sont les moyens réellement mis en œuvre pour rendre régulières les sorties d’Afghanistan ?

Combien de demandes de visas formulées par d’anciens auxiliaires de l’armée ou des institutions françaises sont restées sans réponse ? Combien de membres des familles d’Afghans présents en France restent sans réponse ? Combien de visas sont délivrés pour une demande d’asile ?

Le service des visas de l’Ambassade de France, d’abord délocalisé à Islamabad au Pakistan, est maintenant en Inde et en Iran ; les Afghans qui sollicitent un visa doivent remplir un dossier et prendre rendez-vous par internet – pour ceux qui y ont accès – et se déplacer au loin ; cela rend les démarches très compliquées et incertaines sinon vouées à l’échec.

Nous sommes loin de la situation du Chili en 1973 quand  l’ambassadeur Pierre de Menthon prenait l’initiative de recueillir plusieurs centaines de personnes sur le terrain de l’ambassade, sol français puisqu’il bénéficie de l’extraterritorialité ; il a ainsi légalisé leur sortie du Chili comme leur entrée en France.

Il faut en effet rappeler qu’un demandeur d’asile est tenu d’être présent sur le territoire français pour demander l’asile en France, mais il n’a pas l’obligation d’y arriver légalement ; ce serait prohibitif pour la plupart d’entre eux. On l’appelle un migrant – terme malheureusement devenu péjoratif – pour masquer ce fait qu’il peut demander l’asile dès son arrivée, régulière ou pas.

Un périple administratif attend les personnes arrivées en France. Si elles ont dû transiter par d’autres pays européens, elles peuvent être « dublinées », c’est-à-dire mises sous procédure “Dublin (1)” et renvoyées dans le premier pays par lequel elles sont entrées en Europe. Cette procédure les fragilise et peut retarder leur demande d’asile jusqu’à dix-huit mois ou les renvoyer dans ce premier pays. Or, même si la France a suspendu les renvois de personnes vers l’Afghanistan, elle n’a pas hésité à renvoyer tout récemment quatre Afghans vers la Bulgarie, pays qui n’a pas suspendu les renvois vers l’Afghanistan.

La Cour nationale du droit d’asile (CNDA) a déclaré que la guerre était terminée le 15 août 2021 lors de la prise de pouvoir par les talibans, ce qui écarte les demandeurs d’asile de la protection subsidiaire (2) qui pouvait leur être accordée au motif d’une situation de conflit armé (3). La CNDA explique que le statut de réfugié est plus protecteur. Mais elle omet de dire que le statut de réfugié est bien plus difficile à obtenir. En 2020, dans les décisions de la CNDA sur les Afghans, 80% des personnes protégées l’étaient au titre de la protection subsidiaire en raison de la situation sécuritaire. La prise de position de la CNDA fait donc craindre un grand nombre de rejets des demandes de protection de ressortissants afghans, y compris à l’OFPRA (4) par voie de conséquence probable. Que vont devenir ceux qui seront rejetés ? Ceux qui sont restés en Afghanistan ?

L’évacuation, une porte ouverte pour mieux la claquer au nez des Afghans ?


(1) Le principe du règlement Dublin est qu’un seul Etat européen est responsable de la demande d’asile d’un ressortissant d’un Etat tiers.
(2) Protection internationale qui peut être octroyée à un demandeur d’asile qui ne répond pas aux critères pour devenir réfugié au sens de la Convention de Genève de 1951. La protection subsidiaire peut être accordée par exemple en cas de risque lié une violence aveugle résultant d’une situation de conflit armé interne ou international
(4) L’Office français de protection des réfugiés et apatrides examine les dossiers de demande d’asile en première instance