DNA (Dernières Nouvelles de l’Administration) #5 – Le silence obstiné de l’administration m’effraie.

Ils n’ont pas cinquante ans à eux deux.

Ils sont tous les deux Kurdes de Turquie.

Elle est arrivée en France toute petite, y a grandi et possède les papiers nécessaires à une vie normale.

Elle habitait dans le Morbihan.

Il est arrivé en France en été 2018, fuyant la Turquie et le service militaire qui l’aurait obligé à combattre d’autres Kurdes. Il s’est retrouvé en CADA à Vannes.

Ils se sont rencontrés et ce qui devait arriver arriva.

Mariés puis parents d’un petit garçon, ils habitent maintenant à Haguenau.

 

Mais, l’OFPRA ayant rejeté sa demande d’asile, Roméo n’avait pas de papiers. Ils consultent une assistante sociale qui les redirige vers l’association ARDAH.

C’est ainsi qu’ils sont venus me voir un soir pour exposer leur situation.

Situation compliquée, évidemment. Demandeur d’asile refusé par l’OFPRA, Roméo était censé quitter la France au plus vite. En tant qu’époux d’une personne résidant régulièrement en France et père d’un enfant commun, il peut bénéficier d’un regroupement familial.

MAIS la personne dont on demande le rapprochement doit résider dans le pays d’origine. Or il n’était pas question pour Roméo de quitter sa famille et de risquer de devoir faire un service militaire en Turquie.

 

J’ai donc proposé de demander un titre de séjour « Vie privée, vie familiale ». Mauvaise pioche ! La démarche a signalé Roméo à l’attention de la préfecture. Et la préfecture a répondu avec une OQTF (Obligation de quitter le territoire français). Affolement à Haguenau !

Un avocat a accepté de se charger du recours en Tribunal Administratif. Connaissant le taux de succès de ce genre de recours, j’essayais de préparer les jeunes gens à ce qu’il faudrait faire après le rejet de leur requête par le Tribunal Administratif.

L’audience a eu lieu le 15 mars. Jugement dans trois semaines. Trois semaines sur des charbons ardents.

Le 12 avril, l’avocat envoie la copie du jugement et, miracle, l’OQTF est annulée. L’avocat suggère même que le mémoire en défense de la préfecture permet de demander le regroupement familial.

 

Et en avant pour la demande de regroupement familial.

Un dossier de demande de regroupement familial est constitué et envoyé à l’administration compétente, l’OFII, en juin.

Puis silence radio. Au début de l’automne, Juliette s’inquiète de l’absence de réponse. Nous préparons une lettre qu’elle envoie à l’OFII en septembre. Pas de réponse.

J’envoie un courriel, pas de réponse.

Encore une lettre, toujours pas de réaction.

Par hasard, je parle de cette famille et de son souci à un avocat qui nous met en garde : l’absence de réponse de l’administration après six mois signifie que la demande est rejetée. Il reste deux mois pour demander à l’OFII de motiver son refus. C’est, selon l’avocat, un moyen de relancer la machine et, peut-être, d’obtenir le traitement de la demande.

Le feuilleton n’est pas terminé.

Signé : Laurent