Nous ne sommes pas les seuls.
Une association en Normandie œuvre depuis quarante ans
1979 à Vire, dans le Bocage Normand. Quelques amis réunis autour d’une table évoquent les Vietnamiens fuyant le pouvoir communiste qui a pris le contrôle du pays depuis la défaite américaine en 1974. Ils s’émeuvent du sort des familles qui, après un long périple, ont obtenu le statut de réfugié mais continuent d’être parquées dans un centre d’accueil à Caen.
Et ils se disent « Et nous ? » Ils décident de faire le tour de leurs relations pour voir qui pourrait s’engager avec eux dans l’accueil de réfugiés. Et l’Association viroise pour l’aide aux réfugiés est créée. Pendant quarante ans, elle a accueilli et accompagné vers l’autonomie des dizaines de familles originaires du Vietnam, du Cambodge, puis de toutes les dictatures et des foyers de guerre d’Asie, d’Afrique, du Proche Orient ou d’Europe orientale.
Paul et Claudette, les piliers de l’association, nous ont fait part d’une histoire parmi beaucoup d’autres
Mony, la grande sœur, les jumeaux Monea et Monor sont Cambodgiens. Leur père est mort, tué par une mine. Plus tard, leur mère meurt dans les bras de sa fille aînée. Les trois enfants sont recueillis par une autre famille. La grande sœur Mony est désormais la bonne, pour ne pas dire l’esclave, de la famille.
Tata, la sœur de la maman décédée, quitte le Cambodge sur un bateau de Boat People avec son mari et ses quatre enfants et arrive en France en juillet 1989. Après l’obtention du statut de réfugié, la famille est accueillie à Vire par l’association AVAR qui l’aide à démarrer sa vie en France.
Puis Tata entreprend les démarches pour adopter les enfants de sa sœur. Après deux années de démarches, les enfants arrivent à Vire pour Noël 1997. Ils sont âgés de 12 et 10 ans.
Mony, l’aînée, arrive dans un état physique et psychologique lamentable. Après plusieurs mois de soins, elle pourra intégrer un IME (Institut médico- éducatif), puis un CAT (Centre d’aide par le travail) et un foyer d’hébergement. Elle restera sous la tutelle de Tata.
Monea et son frère jumeau Monor entrent à l’école élémentaire. Ils bénéficient d’une aide scolaire par des membres de l’association qui assurent aussi un accompagnement et les emmènent en vacances.
Monea fait un excellent parcours scolaire : brevet des collèges, baccalauréat, école hôtelière. A la sortie de l’école hôtelière, elle travaille en restauration.
Le parcours scolaire de Monor est plus difficile. Après le brevet, il fait une école d’agriculture puis travaille un temps chez un paysagiste avant de partir pour faire la saison dans l’hôtellerie en montagne. Il commence à la plonge et, après avoir manifesté son intérêt, il se forme progressivement à la cuisine. Son patron possédant aussi un hôtel sur la Côte, il fait désormais les deux saisons.
Un des fils de Tata, Kosal, entre à l’école hôtelière après le brevet et y obtient le CAP de cuisinier. Pendant plusieurs années, il accumule les expériences dans différentes régions de France, en Suisse, aux USA et en Guyane.
Puis un jour, les trois cousins qui travaillent tous dans la restauration, décident de s’associer pour reprendre un restaurant à Vire, à deux pas du centre-ville.
Le restaurant Labadiane a ouvert en 2018 et s’est rapidement classé parmi les quatre meilleurs restaurants de la ville, rejoignant ainsi de vénérables institutions locales.
Alors, si le hasard vous mène dans le Bocage normand, n’hésitez pas à vous faire plaisir chez Monea, Monor et Kosal.
Signé : Laurent