Chez « Babioles et Babiolettes » : Séraphine

A l’angle de la 3ème rue, à côté du grand-chêne, se trouvait « Babioles et Babiolettes »…
« Besoin d’un petit cadeau ? Pourquoi pas cette jolie photo ?…Une surprise pour maman?…Ce bracelet sera des plus élégants !!…» Armande y vendait tout un tas de petits riens, l’important était de se faire du bien ! Et ça n’était pas Poussotte, le chat, qui allait dire le contraire, lui qui était toujours à l’affût de quelques caresses familières.
Ce jour-là, Armande sortit un moment, l’air était frais, c’était le printemps ! Lorsqu’elle regarda vers le grand-chêne, son regard fut attiré par de jolies couleurs : une petite fille qui portait une robe à fleurs. Elle était là, toute seule, adossée contre le tronc de l’arbre, comme collée à son écorce, tant elle restait de marbre. Ses grands yeux noirs fixaient la vitrine d’un air perdu, on aurait dit qu’elle ne l’avait pas vue. Armande s’avança vers elle mais la petite fille prit peur. Elle se recroquevilla, sentant battre son cœur ! A cette heure-là, tous étaient à l’école : que faisait cette fillette sans cartable, sans parents, sans boussole ?
Armande ne savait que faire. Elle s’assit par terre, prit dans sa main un caillou et se mit à lui parler avec des mots tous doux : « Joli caillou, que fais-tu tout seul ici, je m’appelle Armande, je peux t’aider, il suffit que tu me le demandes…». Puis, prenant une voix de fausset, elle imagina la réponse du petit galet : « Armande, je cherche mon chemin, je suis égaré, pourrais-tu me guider?… » Armande amena le caillou à son oreille, d’un air inquiet elle répéta « Quoi ?? Qui est-tu ??, Parle plus fort, je crois que je ne t’entends plus !!… »… Le caillou resta muet. Armande, elle, regardait la petite fille d’un coin de l’œil, discret.
« Séraphine ! » dit la petite fille au bout d’un moment… « Armande, s’il te plaît, tu peux me montrer ta vitrine ?! »
Armande, accompagna la petite fille sans poser de questions. Séraphine fixa attentivement chaque objet, comme si, dans ses yeux, un nouveau monde s’ouvrait !
« Dans ma maison, il n’y a rien de tout ça !… », « Dis, Armande, est-ce que je retournerai chez moi lorsque je serai grande ? »
Armande n’y comprenait rien, là non plus: qui était Séraphine ?, ses mots lui semblaient farfelus ! Elle voulait bien l’aider, mais par où commencer ?
« Séraphine, où se trouve ta maison ? Veux-tu me le dire ? Veux-tu que nous y allions ? » A ce moment, la petite se mit à sangloter et de chaudes larmes vinrent à couler… : « Ma maison est trop loin, ici c’est différent,… mais si tu me donnes la main, je te présenterai à mes parents ! », Finit-elle par dire en souriant !
Toujours déconcertée, Armande glissa sa main dans celle de Séraphine et la suivit vers l’immeuble voisin. Finalement, ça n’était pas si loin ! Et pourtant, une fois entrée dans l’appartement, elle comprit ce que voulait lui dire l’enfant. Séraphine venait d’un pays lointain, son paradis perdu, … comment se sentir chez soi, là où tout est inconnu ?
Plus tard, après avoir remercié Séraphine pour ces moments partagés, Armande rentra à la boutique et eu une nouvelle idée !
Il lui fallut du temps, du cœur, un peu d’argent. Elle débarrassa ici, téléphona par-là. Même Poussotte dû bouger, ses habitudes furent un peu chamboulées. Mais il la connaissait bien sa maîtresse, lorsqu’elle avait une idée, plus rien ne pouvait l’arrêter !
Et puis, un jour, Armande invita Séraphine et ses parents. Il y avait aussi tout plein d’autres clients. Un à un ils passaient la porte, c’était comme une joyeuse cohorte…A l’intérieur, une surprise les attendait : des babioles, ils y en avait toujours autant, mais ils en venaient du Monde entier, maintenant. Chez « Babioles et Babiolettes », c’était la fête, la boutique n’avait jamais vu autant de nouvelles têtes !
Ce soir-là, en sortant, Séraphine ramassa un caillou. Elle le mit délicatement dans sa poche et dit à qui voudrait bien l’entendre : «Toi, je suis sûre que tu viens de loin! Mais tu verras, ici aussi on y est bien ! » Armande qui la regardait s’en aller, avait le cœur tellement léger.
A l’angle de la 3ème rue, à côté du grand chêne, il soufflait cette fois un petit vent bien accueillant, se dit Poussotte, en ronronnant.

Amandine ROCH

L’illustration a été réalisée par  2 sœurs, Seivin et Nisreen DAVUT, réfugiées syriennes
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