Comme chacun sait, le migrant est, et ce dès son plus jeune âge, cet être vil qui viole nos femmes et assassine nos enfants. Vade retro satanas !
Ou serait-il plutôt cet être supérieur, presque surnaturel qui viendrait combler la France de ses bienfaits ? On aura pris soin, bien sûr, de choisir les élus aux portes de ce paradis qu’est notre beau pays. Personae grata !
Ces visions tranchées prolifèrent dans les médias en cette période pré-électorale et nous atterrent. Mais nous qui accueillons des demandeurs d’asile, ne sommes pas à l’abri. Nous portons aussi en nous un migrant fantasmé. Je dis « nous », mais je pourrais dire « je ». Parce que nous savons ce qu’ils ont traversé, ce à quoi ils ont renoncé, le courage qu’il faut pour tout recommencer ici, nous avons tendance à ne voir en eux que les êtres exceptionnels qu’ils sont à maints égards. Parce qu’ils ont souffert, nous les imaginons meilleurs. Parce qu’ils sont accueillis, nous espérons un comportement exemplaire, un peu de gratitude aussi. C’est naturel.
Mais l’expérience nous dit qu’ils sont surtout et d’abord comme chacun de nous : avec un caractère plus ou moins agréable, des défauts plus ou moins prononcés, des idées plus ou moins arrêtées, des freins plus ou moins forts. Avec des failles aussi, des blessures béantes parfois, parce que contrairement à ce que dit l’adage, ce qui ne nous tue pas ne nous rend pas toujours plus fort.
Alors, les mauvais choix faits par certains nous abattent, la déception, la critique, la colère exprimées parfois nous blessent, la part d’ombre qui se révèle chez d’autres nous révolte. Nous nous sentons un peu comme des parents qui voient leur enfant partir à la dérive alors que nous voulons le meilleur pour lui. La souffrance est à la hauteur de notre engagement.
C’est là que commence vraiment l’accueil. Il ne s’agit pas d’être naïf, ni de tout accepter. Il faut le respect. Le respect de l’autre d’abord et le respect des règles du pays qui accueille. Mais le droit à l’erreur aussi, à une deuxième chance, à une conversion possible pour un ange déchu là où nombre de voix s’élèveraient pour le renvoyer directement en enfer au moindre faux pas.
Avec lucidité et bienveillance il nous faut regarder l’autre comme ce qu’il est… une sœur, un frère en humanité. Un long chemin toujours à recommencer.
Signé : Marie