DNA (Dernières Nouvelles de l’Administration) #1 – Patronyme, vous avez dit patronyme ?

Quand nous habitions dans le bocage normand, notre nom nous conférait une touche d’exotisme. Faut dire qu’un patronyme alsacien avec cinq consonnes sur sept lettres, ça n’a rien de familier pour des Normands. Alors il a fallu nous habituer à des variantes, parfois cocasses : Kenfleur, Lafleur, Pot-de-fleur, « l’émigré russe »…

Rien d’étonnant alors si, lors de la naissance de notre fils, je ne suis pas sorti de la maternité sans avoir préalablement vérifié l’orthographe du nom dans le registre. Je n’avais aucune envie d’un chemin de croix administratif pour rectifier une erreur.

Quarante ans après, l’histoire fait sourire.

Mais quand la mésaventure arrive à un réfugié confronté à l’administration française, il a du mal à apprécier le comique de la situation.

Puisque les réfugiés doivent couper tous les liens avec leur pays d’origine, c’est l’OFPRA qui reconstitue leur état civil sur la foi des documents qui lui sont remis. Pression des cadences infernales ? Manque de personnel ? Eclairage déficient dans les bureaux ? Toujours est-il que les fautes de transcription ne sont pas rares. Et les conséquences sont tout sauf comiques.

En janvier 2017, un couple a rendez-vous à la préfecture pour déposer sa demande de titre de séjour de 10 ans. C’est la fin du parcours administratif de l’asile, le début d’une nouvelle vie et de l’intégration dans la société française. La personne au guichet vérifie les documents remis et demande à la jeune femme avec qui elle est mariée. Pourquoi cette question ? Parce que sur les documents officiels rédigés par l’OFPRA, le mari ne porte pas le même nom sur son acte de naissance et l’acte de mariage ou les actes de naissance des enfants. Conclusion de l’employée ; « Je ne peux traiter la demande tant que l’erreur portant sur le nom n’est pas rectifiée. Sinon vous risquez d’avoir des ennuis administratifs tout au long de votre vie, et les enfants aussi. »

Consternation.

Courrier à l’OFPRA en février 2017. Le directeur est désolé mais comme l’erreur remonte à plus de quatre semaines, il ne peut plus corriger l’erreur lui-même, il faut passer par le procureur du tribunal de Paris à qui il transmet le dossier. En septembre 2017, courrier au procureur du tribunal de Paris pour lui demander où ça en est. En décembre 2018, nouveau courrier au procureur.

Après de nouveaux appels téléphoniques à l’OFPRA et au TGI de Paris, les documents rectifiés arrivent en février 2019. Il a fallu deux ans !

Mieux encore : En lisant attentivement les actes, on apprend qu’ils étaient rectifiés dès août 2017 puis renvoyés à l’OFPRA. Il faut croire que, épuisés par les allers-retours entre Fontenay-sous-Bois et le TGI de Paris, les documents ont eu besoin d’une longue sieste dans un bureau.

Une autre famille vient de me demander conseil. Le père de famille était arrivé seul, son épouse et leurs deux enfants ne sont arrivés que plus tard, dans le cadre du regroupement familial.

Dès qu’il avait obtenu la décision d’asile, le père de famille a rempli la « Fiche familiale de référence » sur laquelle il a porté toutes les données d’état civil de sa femme et des enfants.

Assez rapidement, l’OFPRA lui a envoyé ses nouveaux documents d’état civil : acte de naissance, acte de mariage, livret de famille. Las ! Sur l’acte de mariage et dans le livret de famille, la date de naissance de l’épouse, totalement fantaisiste, la rajeunit d’un an. Des enfants, aucune trace. De plus, le passeport de l’aîné ayant été fait en Afghanistan avec l’aide d’un « ami », il y a une faute dans le prénom. Pas grave ? Ben si ! La préfecture vient de refuser de lui délivrer un DCEM (Document de circulation d’étranger mineur), l’équivalent de la carte d’identité, parce que le prénom sur l’acte de naissance afghan n’est pas le même que dans le passeport.

Et quand un enfant ne figure pas dans le livret de famille, comment l’inscrire à l’école, le déclarer à la sécu ou à la CAF ?

C’est reparti pour une odyssée administrative.

Conclusion : Sur tous les papiers administratifs, vérifier toujours et méticuleusement l’orthographe des noms et prénoms ainsi que les dates de naissance et autres données d’état civil.

Signé : Laurent    K N E P F L E R