Retours sur la JMR 2022 : « Accueillir des réfugiés, parlons-en! » #2

Soyons francs. La mission de recueil des paroles pour la JMR 2022 n’est pas la plus glamour qu’il m’ait été donné de conduire.A priori, l’exercice n’est pas gagné d’avance. Il s’agit d’aller à la rencontre du passant et de lui demander ce qu’évoque pour lui l’accueil des réfugiés ou le fait d’être accueilli.La scène se situe le samedi après-midi du 18 juin 2022, sur le forum de Haguenau, entre 13 et 16h.La première image qui me vient en tête est celle de ces jeunes bénévoles qui interceptent (ou tentent de le faire) les badauds rue des Grandes Arcades à Strasbourg. Vêtus de tee-shirts bleus (ou oranges, cela dépendant des causes à défendre), ils engagent la conversation avec un grand sourire et demandent poliment si on a une petite minute à leur consacrer. Parfaitement rompus à l’exercice, ils défendent la cause de Reporters sans frontières, du WWF ou des malades du sida (il y a bien sûr, des tas d’autres causes tout aussi nobles qui sont défendues par ces jeunes gens). Ils développent leur argumentaire et finissent invariablement par demander une contribution (et de signer une pétition, ce qui signifie d’innombrables courriels à venir). J’avoue humblement avoir déjà usé de ruses pour ne pas tomber dans leurs rets. « On m’attend Place Kléber », « je repasse dans 5 minutes » ou, plus subtilement, suivre un passant d’assez près pour qu’il se fasse alpaguer et déboiter au dernier moment pour franchir l’obstacle.Donc, ce samedi-là c’est à notre tour d’aller vers les gens. Nous n’avons pas de tee-shirts bleus (ni oranges) et nous nous fondons dans la foule qui ne peut pas nous identifier à l’avance. L’effet de surprise va jouer à fond, c’est sûr. Quoique la proximité des stands ARDAH, Amnesty International et d’autres partenaires incite à une certaine prudence le badaud qui se méfie et n’a aucunement envie de discuter de choses sérieuses alors que l’après-midi s’annonce estival et que la queue chez Serge (le glacier) est déjà longue.Comment aborder les personnes ? Et avant cela, qui aborder ? Les personnes qui nous semblent plus « réceptives » ? Ce petit couple un peu âgé qui regarde les premières affiches déposées au sol ? Cette jeune fille souriante ? Ou, à contrario, cette bande de 4 jeunes à la casquette à l’envers ? Ce groupe de femmes, dont l’une est voilée ? À chacun sa technique (n’oublions pas que nous sommes 4 à « enquêter »). Pour ma part, je me lance au hasard.

Je ne suis pas déçu du voyage. Les excuses, plus ou moins bonnes, fusent. Outre celles évoquées précédemment, d’autres montrent le sens de la répartie des gens ou la mauvaise foi (« je n’ai pas d’opinion à ce sujet »). Sans doute que certains ne veulent tout simplement pas donner leur opinion. Est-ce un bien ? Un mal ? Rares sont les personnes qui ont exprimé franchement leur hostilité à l’accueil des réfugiés (une famille qui lisait les affiches et à qui j’ai demandé leur réaction m’a déclaré que ce qu’on faisait pour ces étrangers devrait profiter aux Français qui en avaient bien besoin, eux. L’échange n’a pas duré parce qu’ils sont partis et ne voulaient visiblement pas discuter). Mais cette quasi-absence de paroles hostiles ne veut pas forcément dire assentiment. Combien de préjugés, de représentations négatives sont associés à la présence des étrangers et/ou des réfugiés sur notre sol ?Les résultats des élections législatives du 19 juin 2022 sont là pour nous le rappeler.Mais les images de la guerre en Ukraine (qui a débuté le 24 février) sont encore bien présentes dans l’esprit des passants. Et l’aspect sensible joue en faveur de ces femmes et de ces enfants que l’on a vu à la télé, entendu dans la rue à Wissembourg ou à Haguenau, ou qui arrivent dans les écoles.Ce qui est revenu le plus souvent dans la dizaine d’échanges effectués est qu’il fallait accueillir les réfugiés qui fuyaient la guerre.Qu’en aurait-il été si nous avions proposé cet échange avant la guerre en Ukraine ?Les personnes les plus réceptives ont fait état d’expériences personnelles ou liées à leur famille ; ce jeune homme dont le père avait fui la guerre en Yougoslavie dans les années 90 et qui a rencontré sa mère dans un foyer à Strasbourg.Ce vieux monsieur qui évoquait ses parents qui avaient fui la contre-offensive allemande de janvier 45 et qui avaient été accueillis à quelques dizaines de kilomètres de chez eux. Souvenir encore vivace.Pour certains, c’est « un devoir », « c’est normal », « c’est une situation d’urgence ». D’autres se demandent si cette situation va durer, « à quel moment ils pourront rentrer chez eux… ».On est peut-être plus sensible à leur situation parce que l’Ukraine, c’est juste à côté.  Pour terminer, je dirai que le plus difficile a été de pouvoir dépasser la méfiance de départ, de parvenir à avoir un véritable dialogue. Les personnes qui ont eu une expérience d’aide aux réfugiés sont naturellement les plus sensibilisées. Et cette journée était une très belle occasion de faire connaître les actions concrètes des associations qui viennent en aide aux réfugiés auprès d’un public plus large.

Signé : Clément